Un lab’ collaboratif chez Randstad

Après voir visité l’AZAP, le lab’ d’innovation collaborative de la Française des Jeux, je suis allé visiter le « pôle i-novations » de Randstad à son siège de Saint-Denis, guidé par Maureen Halbeher (que je remercie encore beaucoup ;p) qui en est à l’origine et en assure la direction.

I-novations c’est un lieu d’innovation collaborative, un « lab’ » avec deux grandes offres de services portées par Maureen et son équipe de 5 collaborateurs.

Les deux offres, « Business Lab » et « Work Lab », ont en commun le fait d’être mises en œuvre sous forme d’ateliers collaboratifs centrés utilisateurs finaux. Les productions sont des prototypes : une application, un processus ou une vision partagée sont conçus collaborativement et pensés comme itératifs.

Work Lab est une approche orientée sur les méthodes de travail. Des fiches méthodologiques, des rencontres courtes façon « genius bar », des formations / initiations, des kits d’animation : un outillage varié pour contribuer à la transformation des modes de travail et la diffusion de pratiques plus collaboratives.

Quand la forme sert le fond.

Business Lab est une offre de services à vocation projet et production. Le prototype est le propos, la finalité. C’est une approche basée sur le Design Thinking qui va de démarches d’inspiration comme des voyages d’exploration, des découvertes de lieux, à des ateliers collaboratifs, des productions de prototypes, des tests et des rencontres avec des experts, start-ups, prestataires, etc. Les offres Business Lab et Work Lab se rejoignent sur un point : les ateliers sont autant une question de prototypage de solution qu’une acculturation à la façon de travailler.

À l’avenir c’est une logique d’intrapreneuriat qui pourrait être développée, faisant de ce lab un coach / accompagnateur / incubateur. Cette approche est esquissée avec la Digitale Tech Year de Centrale Supelec qui regroupe des étudiants, des ingénieurs d’AUSY (racheté par Randstad) et des consultants RH de Randstad dont le lab’ i-novations constitue l’une des étapes du parcours de formation.

Les habitués de ces sujets (sans même être experts) auront reconnu dans cette rapide description les ingrédients que l’on trouve dans pas mal de structures équivalentes dédiées à l’innovation collaborative. Si elle est tournée vers l’innovation, cette structure n’est donc pas particulièrement innovante par nature. Dire cela n’est pas une critique ou un regret, l’innovation ne peut pas être partout tout le temps et faire autrement n’est pas en soit un critère de pertinence. Ce qui importe c’est la capacité d’adaptation des méthodes et des organisations, ce qu’on peut aussi nommer l’agilité (mais j’hésite désormais à le faire tant le terme est employé à tort et à travers (et de travers)). En ce sens, ce lab’ démontre une capacité à expérimenter, notamment dans son émergence opportuniste.

Tout se joue dans la petite enfance ?

Ce qui m’a paru intéressant à observer (et à rapporter) dans cette rencontre est ce qu’elle donne à voir d’un lieu dédié aux pratiques collaboratives n’existant que depuis 6 mois à peine lors de ma visite. Les questions de positionnement dans l’organisation, de formalisation d’une offre, de gouvernance et de légitimité qui se posent sont très instructives.

Nés au sein de la DSI de Randstad, cet espace et son équipe sont tournés vers toute l’organisation et bien entendu pas du tout cantonnés à un support aux activités de l’IT. Ce « positionnement » historique au sein de la DSI est opportuniste, parce que c’est là qu’on l’a laissé naître (et parce que le DSI est également en charge de l’innovation), mais il nous rappelle que ce n’est pas neutre et que cette histoire influe sur la perception qu’en ont les autres services et collaborateurs. Ce n’est pas un frein aux missions du lab’ mais je comprends qu’il a fallu (et qu’il faut sans doute encore) expliquer et démontrer qu’il s’agit d’une offre transverse : « Les directeurs de région ne pensent pas à appeler l’IT pour les pratiques collaboratives » , confirme Maureen. Ne sera-t-il pas nécessaire de s’émanciper de cette tutelle ?

La question de la gouvernance est me paraît également essentielle.

Je fais le lien avec l’AZAP de la FDJ où j’avais été frappé par ces points : une structure née de la volonté du co-dir, lui étant rattachée et dotée de modalités de sélection et de pilotage des projets clairs et indiscutables. En clair, le pouvoir d’agir selon des règles définies, connues et respectées. Sur ces aspects, le lab de Randstad est encore sur le chemin. Outre le rattachement à la DSI, qui n’est pas une fatalité, les règles de sélection (et donc le pouvoir de dire non si nécessaires) se dessinent, notamment à l’occasion de difficultés. La nécessité de recourir à un.e facilitateur.trice et la compréhension de ce que cela veut dire, ne sont pas absolument évidentes et font encore parfois l’objet d’une remise en question.

Il semble indispensable de pouvoir tracer une ligne dans le sable, dire comment peut se faire cette session, comment elle ne peut pas se faire, savoir accepter ou refuser, proposer et être entendu, quand le « client » interne peut imaginer et vouloir les choses autrement. On en revient là aussi au pouvoir de dire non.

C’est quelque chose qui tient à la feuille de route donnée au service et son équipe, à son positionnement dans l’organisation, à la maturité de l’équipe (et sa confiance). On pourrait d’ailleurs postuler que l’un des marqueurs de la maturité d’une telle structure (et de la confiance qui lui est accordée) pourrait être la capacité de ses « clients » à accepter l’analyse et l’avis qu’elle leur offre (et parfois ses refus d’intervenir) plutôt qu’à chercher à en contourner les décisions par la voie hiérarchique. Le lab’ de Randstad expérimente les méthodes, son discours, la gouvernance, ses règles, il se construit et consolide sa crédibilité.

Alors que certains managers sont encore persuadés d’être plus forts tout seuls, l’ambition de Maureen est de contribuer à changer les pratiques, afin que tout le monde soit convaincu que le collaboratif permet d’aller plus loin.

Observer tout ceci dans la jeunesse d’une organisation après avoir vu avant des structures plus matures me paraît particulièrement éclairant et vient souligner ce qui me paraît être des points essentiels, les murs porteurs du lab’ en quelque sorte. Si j’ai cité la nécessaire clarification des règles de gouvernance de la structure comme condition essentielle à son bon fonctionnement et donc, en définitive, à sa crédibilité, il sera sans doute intéressant d’observer ce que Teresa Amabile nomme « environnement de travail » dans sa théorie componentionnelle de la créativité et de l’innovation.

L’innovation, comme la créativité, la motivation ou l’intelligence collective ne se décrètent pas, il faut en créer les conditions.

L’« environnement de travail » est, dans la théorie de Teresa Amabile, l’un des composants nécessaires à la créativité de l’organisation et à l’innovation. On y retrouve la motivation de l’organisation à innover, ses pratiques de management et les ressources qu’elle dédie à l’innovation.

Qu’en est-il de la culture de l’expérimentation, de l’acceptation de l’échec, du non-conformisme ou de la créativité (qui en entreprise commence bien souvent par une certaine liberté avec les règles), de la confiance et de l’autonomie ? C’est là que tout va se jouer : selon que l’organisation sera ou non capables d’évoluer dans ce sens, ce lab’ pourra ou non être un vecteur d’innovation, et les pratiques collaboratives dont il est le promoteur auront alors un impact d’autant plus grand.

Mais l’innovation n’est pas tout, je le redis, et je reste persuadé que l’intérêt de ces lieux et de ces démarches ne s’arrête pas là : la contribution à une culture de la collaboration par l’expérience proposée reste une mission essentielle. La réussite implique cependant, là aussi, que l’organisation sache créer les conditions de son existence, ou de sa diffusion (en résumé : c’est permis, c’est encouragé vs. une culture et un management tournés vers l’individualisation). C’est à ce prix que ces pratiques se diffuseront et que l’entreprise bénéficiera réellement se cet investissement.

A suivre !..

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