J’ai eu le plaisir d’assister il y a quelques jours à une table ronde organisée par Bluenove sur le thème « le Design Thinking au service de l’expérience utilisateur ». Les intervenants de cette table ronde animée par Martin Duval étaient Nicolas Bellego (Dassault Systems), Eric Texier (VP innovation Sodexo), Jean-Paul Cornillou (Strate, école de design), Giuseppe Attoma (agence Attoma), et Pathum Billa Deroussy (Bluenove).
Cette table ronde très intéressante a su échapper au piège d’un pour / contre sur le Design Thinking, et aussi éviter l’aveuglement dans les phares de la magie californienne. En introduction, Jean-Paul Cornillou a pu faire une utile remise en perspective de cette approche par rapport au métier du designer, et rappeler qu’IDEO a avant tout formalisé, extériorisé ce que font les designers, rappel utile notamment pour rappeler qu’IDEO n’a pas inventé cette approche ex-nihilo. L’expérience est au coeur du travail du designer depuis longtemps.
Giuseppe Attoma a rappelé, en introduction aussi, que le Design Thinking n’est pas une formule magique, que ce n’est pas toujours la bonne réponse aux demandes du client, même si c’est sa demande. Beaucoup semblent en effet voir cette approche plus comme un accompagnement au team building, en oubliant facilement la première phase : la phase immersion terrain. Il est donc essentiel de bien comprendre le vrai besoin en (se) posant les bonnes questions, pour éventuellement conclure que le Design Thinking n’est n’est pas la bonne réponse. Il faut aussi penser au-delà, être en capacité de réintégrer la problématique dans son contexte.
Les intervenants, en particulier Nicolas Bellego et Eric Texier, qui représentaient ici des entreprises utilisatrices (là ou Jean-Paul Cornillou et Giuseppe Attoma sont formateur pour l’un et designer, professionnel du sujet pour l’autre) ont mis l’accent sur le changement radical dans l’approche métier et dans la relation entre les intervenants que le Design Thinking permet.
Un changement radical d’abord, parce qu’il met l’utilisateur au centre. Le consommateur, le client. Vraiment, pas d’une façon théorique, car c’est autour de lui qu’est organisée la démarche.
C’est un changement dans la relation entre les intervenants. L’approche fédère beaucoup plus facilement les différents intervenants, comme le rappelle Eric Texier. Pour lui, le Design Thinking a du sens pour la définition des parcours, pour faire converger les équipes, mais aussi des partenaires extérieurs.
Il permet d’offrir une culture partagée et d’éviter l’écueil des équipes où chacun vient avec sa méthode.
Le Design Thinking est bien un vecteur potentiel de transformation du mode de fonctionnement, de la façon d’aborder les projets, et potentiellement de toute l’entreprise.
Jean-Paul Cornillou, qui forme des grandes entreprise, souligne l’intérêt d’introduire la notion de collaboratif là où on travaillait avant en solo, pour aboutir à actionner le participatif, le collaboratif.
Nicolas Bellego souligne aussi les transformations qu’il a vues dans son expérience de collaborations entre startups et grands groupes quand il a commencé à mettre un désigner au milieu de cette relation. Le désigner amène l’utilisateur au centre. Soudain, on collabore autour de l’utilisateur et plus autour d’objectifs propres à chacun.
Le désigner aide les parties à visualiser l’utilisateur final et son expérience, et crée un échange autour de ça. Celà créé un nouveau langage commun.
Cette approche a aussi permis d’introduire le prototypage. Là aussi, c’est une expérience commune qui commence à se formaliser et démarrer un changement dans la façon de collaborer.
Collaborer autour de cet utilisateur final, systématiquement mis au centre, oblige à sortir. Ce qui va changer c’est la conception hors-sol qui est encore souvent pratiquée, ou même les directions innovation sacralisées dans des tours d’ivoire, qui oublient l’utilisateur et l’expérimentation.
Pathum Billa Deroussy est revenu sur ce que sont les grandes capacités du designer :
– la capacité d’abduction (trouver des analogies et créer du lien dans un fouillis d’informations)
– la capacité à manipuler des images, pour représenter et modéliser la complexité
– la capacité à réunir des personnes autour de la table, créer de l’interaction sociale et agir comme médiateur.
Pour lui, le Design Thinking en est à sa deuxième phase : l’expérience utilisateur (après le design pur). La phase suivante sera celle du monde complexe. Une phase plus systématique d’utilisation des capacités du désigner à modéliser, à aborder des problématiques plus systémiques, des enjeux plus complexes, pour une entreprise, une ville. L’utilisateur ne restera plus forcément au centre mais il s’agira toujours de design, centré système.
Pour Eric Texier, ce n’est pas une mode. Le consommateur est nécessairement au centre. Il veut être informé et avoir plus de pouvoir. On doit donc mieux le connaître. Il y a par ailleurs une nécessité de travailler de façon collaborative car il n’est plus possible de continuer à vouloir fonctionner uniquement avec des experts.
La dimension RH a également été rappelée. Eric Texier y voit une façon d’attirer et de fédérer les talents. Nicolas Bellego souligne que le « faire », être au plus près du « faire », donne du sens au travail pour ceux qui le font.
En conclusion, cette table ronde aura permis de souligner ces éléments souvent éclipsés du fait de l’attrait, du côté encore nouveau (malgré son grand âge) de l’approche pour la majorité des entreprises, et plus encore par l’excitation autour de la finalité d’innovation : orientation du travail autour de l’utilisateur et de son expérience, fédération des équipe et du travail autour d’un objectif et d’une culture commune, rôle de la démarche de designer pour articuler tout ça, transformation radicale du travail collaboratif et renforcement de la relation au sein de ces équipes pluridisciplinaires.
EDIT du 29/10/2016 suite à une remarque de Pathum Bila-Deroussy concernant la phase 3 du Design Thinking.
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