Courant mars, j’ai eu la chance de co-faciliter avec ma partenaire Sandra Pedano un atelier de travail en « présentiel », mais à distance, durant une journée et pour une soixantaine de salariés d’une célébrissime marque française.
Cet atelier qui a fait travailler en mode transverse des équipes métier autour de la transformation numérique de l’entreprise me semble être un condensé de beaucoup de ce qui se joue en ce moment pour les organisations.
Organisé sur une période assez courte, cet atelier devait initialement réunir 25 personnes (réparties en 5 sous-groupes), nous devions le faciliter en « présentiel ».
C’est ainsi que Sandra et moi avons abordé la mission.
Trois facteurs ont sensiblement modifié l’histoire
- La crise sanitaire d’abord a induit une modification importante : les 5 sous-groupes ne devaient pas être réunis dans une même salle, mais dans des salles séparées… en outre, ces salles sont réparties sur 3 sites distincts dont l’un est situé à 10mn à pied des 2 autres ;
- Deuxième vecteur de changement important : le sujet est très stratégique, il marque une étape importante et la mobilisation dans l’organisation grandi, comme la liste de participant.es : 40 participant.es, 50, puis 60 ;
- Troisième surprise durant la préparation : je suis placé à l’isolement car un membre de mon foyer est COVID+ !
La première surprise est sans doute la plus structurante : c’est en effet elle qui a induit la transformation du séminaire de travail en un événement hybride, phygital comme on dit dans notre jargon. La conception des modalités de travail a donc pris assez tôt un tour différent.
Cette modification a permis de limiter grandement l’impact du troisième événement puisque nous avions déjà été contraints d’introduire de la facilitation à distance.
Durant la session, nous avons eu plusieurs autres surprises :
- 2 groupes, situés sur le site le plus éloigné, ne pouvaient être contactés entre les plénières et donc leurs travaux ne pouvaient être suivis que de manière bien moins fluide ;
- à chacune des trois plénières de nouveaux invités surprise était accueillis pour apporter un message aux participant.es, témoignant de l’importance grandissante de l’atelier.
Le dispositif en images
Le « board » Klaxoon a été conçu pour accueillir le travail des 5 équipes durant les 4 grandes étapes de l’atelier.
De la pré-maquette à sa version en ligne après la session :
Premier bilan
- la session s’est bien déroulée, les résultats sont intéressants d’autant que l’enjeu ne résidait pas uniquement dans les livrables opérationnels produits mais aussi beaucoup dans la mise en œuvre d’une dynamique nouvelle de travail : comme souvent, l’expérience vécue par les participants est le premier « livrable » ;
- notre design a répondu aux attentes et tenu choc du contact avec la réalité en ne demandant que peu d’adaptations durant son déroulé ;
Quelques enseignements de cette expérience
Nous avons tiré de cette expérience plusieurs apprentissages ou rappels importants.
Il s’agit surtout de rappels qu’il nous a paru nécessaires de nous faire à nous-mêmes et utiles à partager :
- L’importance de l’espace : les aléas logistiques (par ex. les changements de salles à mesure que le groupe grandi) sont vecteurs d’impacts sur le déroulé de la session : quid des tables et chaises ? de la connexion à Zoom ?
- Taille des groupes : nous le savions mais l’avons re-vérifié malgré nous : un groupe de plus de 5 à 7 personnes ne travaille pas de la même manière.
Il aurait été très utile d’adapter les modalités de travail des deux groupes qui comptaient près de 15 personnes ; - Spécifier les conditions : des deux points précédents, un troisième émerge : ne pas négliger de formaliser et fournir en amont une sorte de cahier des charges (surfaces, matériels, tailles de groupes, contraintes techniques) à l’équipe sponsor : quelles sont les conditions matérielles, logistiques et organisationnelles minimum et idéales à spécifier ?
On peut ainsi éviter certains dérives qu’il n’est sinon pas toujours possible de voir avant qu’il ne soit trop tard (par effet de seuil, voir plus bas) ; - Bien utiliser le temps en plénière : connecter des salles de réunion avec des systèmes de visio entre elles pour des plénières, ça marche mais ce n’est pas fantastique : consacrer l’essentiel de ces séquences à des restitutions et privilégier l’outil collaboratif (ici, Klaxoon) pour les feedbacks nous apparaît avoir été un choix pertinent ;
- Préparer les participants qui auront un rôle de relais de facilitation : quand c’est possible, consacrer du temps à faire monter en compétences les participants à qui un rôle de facilitation est dévolu, c’est important ;
- Cadrage de l’intervention : même quand on a peu de temps pour préparer la session et une équipe client peu disponible, ne pas aller trop vite sur le cadrage, bien explorer le contexte et considérer qu’aucune zone de votre modèle de cadrage n’est superflue ;
- Attention aux effets de seuil : prendre le temps de faire une pause régulièrement durant la phase de conception : se demander ce qui a évolué et qui pourrait nécessiter de revoir certains choix, soulever des questions ou alerter : le nez dans le guidon et par le jeu des effets de seuil, il est facile de ne pas se rendre compte de certains glissements. Être attentif à bien se recentrer est essentiel pour ça ;
- De l’importance du centrage : quand ça secoue, que les imprévus ou les petits glissements s’empilent, la capacité à s’ancrer, dans le corps, à ne pas laisser le cerveau partir dans une course folle, est ce qui permet de garder l’esprit ouvert et clair et d’accompagner au mieux ce qui arrive.
En conclusion
Cette journée nous a paru être un bon résumé de ce qui se joue en ce moment : la transformation numérique des interactions, de notre métier également ; la nécessaire agilité pour jongler avec les imprévus techniques et organisationnels ; les enjeux de la facilitation dans un environnement volatile, incertain, complexe et ambigu.
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