Il y a un peu plus de 10 ans, j’ai créé une entreprise.
Ca s’est fait sur une proposition d’association. : lui et son agence de communication, moi et mes compétences du web, du code et de la manière d’accompagner les clients dans ces projets. Objectif : monter une « agence web », petite sœur de son agence.
Pendant les 18 premiers mois, l’activité a progressé rapidement, l’organisation s’est structurée, l’équipe étoffée et professionnalisée. Et puis, au retour de vacances estivales, mon associé m’annonce la vente de sa propre structure à une petite agence, conjointement avec les 50% de notre structure commune, ventes prévues… 15 jours plus tard.
Au regard de la dépendance économique des liens de mon entreprise avec sa « grande sœur », des liens financiers avec mon associé et de la pression importante, les options pour moi étaient limitées.
La plus simple était d’accepter, laisser la vente se faire et accueillir de nouveaux associés inconnus.
La deuxième consistait à racheter les parts de mon associé et maintenir l’activité sans le flux d’affaire apporté par son agence, en n’ayant pas encore d’indépendance commerciale.
La troisième option, vendre mes parts, n’en était pas une : les nouveaux venus n’envisageaient pas de monter au capital si je partais car je portais des savoir-faire essentiels dans cette entreprise.
A cette situation s’ajoute un désaccord financier entre mon associé et moi, qui prend son origine au moment de la création de la structure, dans un manque total de courage de ma part face à une demande de dernière minute de mon associé. Un petit « oh et puis tant pis » qui fini par me revenir dans la figure quand la situation devient tendue.
Par glissements successifs, la situation s’est crispée, tendue, devenue un conflit, impliquant des avocats, des rebondissement, du stress, et surtout beaucoup de temps. Il aura fallu 500 jours entre l’annonce initiale et la signature d’une convention mettant fin aux hostilités.
Cette fin des hostilités a notamment permis la liquidation de notre entreprise commune, et j’en suis reparti les mains dans les poches, sans un sou.
Comment ne pas qualifier cette expérience d’échec ?
D’abord parce qu’une entreprise met la clé sous la porte, non pas par manque de rentabilité mais à cause de conflits d’ego. Ensuite parce que mon absence de courage m’a encouragé à minimiser des décisions à conséquences économiques fortes.
Prenons un peu de recul…
Alors que la situation se crispait un peu sans être encore conflictuelle, j’aurais pu choisir de laisser les choses se faire. L’entreprise n’aurait pas été liquidée. Mais j’aurais été sous l’emprise des nouveaux acheteurs, qui n’ont par la suite pas brillé par leurs talents d’entrepreneurs. Quelle relation envisager avec des associés non choisis dans une structure si petite et une configuration commerciale déséquilibrée ?
J’aurais aussi pu m’endetter pour racheter les parts de mon associé, lui payer ce qu’il demandait, me retrouver dans une structure privée de son apporteur d’affaire essentiel, sans avoir acquis une capacité à développer l’activité de manière autonome. Ca ne ressemble pas à une situation d’avenir non plus.
Prenons encore un peu de recul…
18 mois après mon départ, l’agence de mon ex-associé, qui aurait dû être fusionnée avec celle des acheteurs a été fermée. Les acheteurs et mon ex-associé, engagés dans leurs propres conflits juridiques, portant sur des motifs et des montants bien plus importants, ont continué à se livrer à une guerre sans merci qui les a conduits au redressement judiciaire puis à la cession de leur entreprise, finalement liquidée l’année dernière.
En faisant le choix de ne pas m’endetter de manière conséquente et de sortir de là, ai-je connu un échec ou bien ai-je au contraire réussi à me sortir de la meilleure manière possible de cette situation ?
7 ans plus tard, j’ai changé de métier 2 fois, conséquence d’un travail d’introspection rendu possible par le coup de pied au c** qu’a provoqué ce conflit. Je suis heureux de ce choix et je frémis même à l’idée que tout ça aurait pu ne pas arriver ou que j’aurais pu faire un autre choix.
Dans la perspective de mon entreprise d’alors, cette histoire m’apparaissait comme un échec, et même une somme d’échecs.
Dans la perspective plus large de ma vie professionnelle, je suis convaincu d’avoir pris la meilleure décision puisqu’elle m’a conduit à trouver une métier qui a du sens et à me transformer bien au-delà de ce que j’aurais cru possible.
Et vous, si vous changez de prisme, votre échec en est-il toujours un ?
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