A chaque année ses tendances numériques : des technologies émergent, se transforment, se combinent ou disparaissent ; desbuzz words bruissent dans les revues ou blog spécialisés. Parmi les grandes stars de la période, IoT (Internet of Things, l’internet des objets), big et open data.
Rien de nouveau pour le monde de la donnée, le big data étant sur toutes les lèvres depuis quelques années (parfois avec une vraie méconnaissance). L’internet des objets, lui, arrive au point de bascule, telle une épidémie : d’un buzz, d’une série d’objets, de gadgets, sans autre lien que leur caractère connecté, c’est maintenant un vrai espace technologique en construction que l’on perçoit, et une probable révolution en cours.
En janvier 2014 déjà, une étude Havas-CSA indiquait que plus de la moitié des personnes interrogées savait ce qu’étaient les objets connectés et que plus d’un tiers envisageait de s’en équiper (mais en réalité moins de 10% seulement avait passé le cap, selon une étude Ifop).
Le CES 2015 a fait des objets connectés l’un des sujets phare (avec les drônes ?).
En France, BpiFrance a annoncé le 26 janvier financer à hauteur de 23 millions d’euros le programme FELIN regroupant 10 entreprises françaises autour d’un projet de recherche et développement sur les circuits et équipements 4G pour objets connectés.
Bracelets santé, thermostats connectés, cigarettes électroniques, biberons, frigos,équipement domestiques, équipés de capteurs, mesurant, communiquant, conseillant par l’intermédiaire de services et applications dédiées, envahissent le marché des particuliers.
Ils sont aussi cités par de récentes études comme étant au cœur de la stratégie d’un nombre croissant d’entreprises : une sur six aurait un projet lié à l’internet des objets.
Des entreprises pour qui ces objets offrent des opportunités nombreuses. Des opportunités internes d’abord, avec de nouvelles capacités à acquérir une connaissance de leurs propres opérations, une mesure et un suivi de la production, avec les opportunités d’optimisation des coûts ou des procédures qui en découlent.
Opportunités de nouveaux marchés ensuite : de nouveaux objets, de nouvelles propositions pour des objets existants (le thermostat Nest en est une belle illustration, le biberon connecté une autre plus anecdotique).
Opportunité de mieux connaître ses clients, tout en offrant de nouveaux services et produits. Nike l’a compris, qui propose de connecter ses chaussures, de s’équiper de bracelets, d’utiliser ses applications mobiles, s’offrant ainsi une connaissance de ses clients et de leurs usages, leur offrant une nouvelle expérience et les accompagnant ainsi à chaque foulée, quand la relation s’arrêtait jusque là à la porte du magasin.
Est-ce un hasard si le thermostat intelligent n’est pas proposé par Legrand ou Schneider mais par Nest ?
Ces opportunités sont un sérieux challenge et une illustration parfaite de cette mutation numérique dont tout le monde a conscience, sans forcément s’en représenter concrètement les enjeux.
Cette vague technologique oblige les industriels et fournisseurs de services à se projeter dans un univers nouveau, à repenser leur offre. « Penser hors de la boîte » prend ici tout son sens et n’a rien d’évident.
Est-ce un hasard si le thermostat intelligent n’est pas proposé par Legrand ou Schneider mais par Nest, une startup dont la vocation est de revisiter l’électronique grand public, en quelque sorte un pure player ?
Au-delà des industriels, les équipement de santé connectés intéressent les assureurs (en France, Axa travaille avec Withings et ses bracelets santé) et les professionnels de santé, du sport, de l’automobile ou des équipements sont pris dans la vague. La voiture elle-même devient un écosystème connecté, au cœur du projet FELIN.
Ce sont de nouveaux métiers qu’il leur faut apprendre : produire du logiciel, gérer et analyser des données, raisonner en termes d’API et de plateformes aussi, très biendécrites par Henri Verdier et Nicolas Colin dans l’Âge de la Multitude.
Les plateformes, cœur des écosystèmes en construction
L’enjeux des plateformes c’est la capacité à fédérer producteurs d’objets et fournisseurs de services d’un côté, clients de l’autre. La plateforme logicielle est une application des applications, dont le promoteur, tels Twitter ou Amazon, offre la possibilité à d’autres fournisseurs de service de greffer leurs outils dessus.
Plutôt qu’offrir simplement sa propre application, le créateur de plateforme se positionne comme l’animateur au cœur du marché et de son innovation : fournisseur d’une solution logicielle sur laquelle d’autres (et soi-même) pourront construire des services.
A la clé, une emprise plus grande de ces géants consolidant ainsi leur position, tout en tirant profit de l’innovation des fournisseurs d’objets et de services fédérés : Apple sait bien ne pas pouvoir inventer tous les meilleurs outils, innover sur tous les fronts, mais HealthKit et HomeKit ouvrent à tous les concepteurs de logiciels ou d’objets les interfaces de programmation (API) leur permettant de s’interconnecter et arriver dans la poche de l’utilisateur, et ainsi petit à petit la plateforme en offrant à ces producteurs ce qu’ils n’auraient pu construire seuls.
Il s’agit d’une révolution d’autant plus puissante qu’elle est l’aboutissement de plusieurs décennies de développement d’objets dédiés au monitoring ou au contrôle de l’environnement, que ce soit dans l’industrie ou à la maison (la domotique est accessible aux particuliers depuis de nombreuses années, et assez mature). Ce qui a changé c’est l’ubiquité d’un internet fiable, rapide et abordable, la disponibilité de capteurs fiables et très bon marché, ainsi que les possibilités de prototypage rapide.
Le smartphone, roi des objets connectés, vient refermer, amenant la connectivité dans notre proche, et les plateformes d’Apple (HomeKit et HealthKit), Samsung (Smart Things) ou Google (qui a racheté Nest). Les smartphones deviennent nos centrales de contrôle, celle de notre « auto mesure » (quantified self) ou de notre domotique par exemple.
Cette facette de la transformation numérique est porteuse de nombreux enjeux pour les utilisateurs finaux en termes de vie privée comme de sécurité : assurances et employeurs s’intéressent aux données santé, les géants des plateformes consolident leurs positions, tandis que les problématiques de sécurité des données mais aussi des biens et des personnes sont en jeu.
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